Santé mentale et Covid : l'anxiété baisse un peu au fil du confinement en France, bientôt des résultats à l'internationale dans l'étude COHFIT
Si plusieurs mois de recul seront certainement nécessaires pour mesurer l’impact du confinement et de la crise épidémique actuelle sur la santé mentale, plusieurs enquêtes permettent d’entrevoir l’état psychique de la population.
Depuis le début du confinement, Santé publique France (SPF) a mis en place un dispositif d’enquête en ligne, avec l’institut de sondage BVA, auprès d’un échantillon de 2000 personnes. Mené en plusieurs vagues, dont les premières se sont déroulées du 23 au 25 mars et de 30 mars au 1er avril, ce travail avait déjà révélé que plus d’un quart (27 %) des répondants avait ressenti un état d’anxiété, soit un taux deux fois supérieur à celui observé avant la crise (13,5 % en 2017, selon le Baromètre de SPF à paraître).
Un impact au-delà des patients habituels
Un premier bilan de la plateforme « Covid Écoute », lancée le 15 avril dernier par la Fondation FondaMental avec 228 thérapeutes bénévoles, confirme l’impact de la crise sur la santé mentale. Une enquête menée auprès de 78 des thérapeutes engagés dans le dispositif révèle que 65 % des téléconsultations concernent des personnes déclarant n’avoir jamais consulté de psychiatre ou de psychologue auparavant.
Les raisons évoquées pour solliciter un soutien mettent au jour l’impact du confinement : la « tristesse d’être séparé des siens » (43 %), « l’aggravation d’une souffrance préexistante à la crise du Covid-19 » (42 %), « le fait de ne plus supporter le confinement » (41 %) et des problèmes de sommeil (37 %). Plus inquiétant, 10 % des appelants présentaient des idées suicidaires.
Cet état des lieux plutôt sombre n’est pour autant pas figé. Les résultats de la seconde vague de l’enquête de SPF montrent en effet une prévalence de l’anxiété réduite avec un taux de 21,5 %. « En réduisant efficacement le risque d’exposition au virus, le confinement a sans doute contribué à la baisse du niveau d’anxiété générale », avance SPF, rappelant que « les travaux conduits dans le contexte d’autres situations épidémiques observent généralement une évolution à la baisse de la perception du risque attribuée à un processus d’adaptation et d’habituation aux risques ».
Mais ce recul des états anxieux n’est pas observé dans l’ensemble de la population. Les femmes et les parents d’enfant(s) de 16 ans ou moins affichent, comme lors de la première vague, des niveaux d’anxiété plus élevés que la moyenne.
Des différences « significatives » apparaissent également selon l’exposition à la maladie (un taux d’anxiété de 34,4 % est constaté chez ceux ayant eu des symptômes), selon la situation financière (34,2 % si elle est difficile), les conditions de travail (32,4 % chez les actifs en arrêt de travail) ou encore selon la promiscuité au sein du foyer (31,1 % quand le logement est surpeuplé). Cette deuxième vague met ainsi en évidence l’influence de certaines situations sur la prévalence des troubles anxieux et la « nécessité de protéger et d’accompagner les ménages les plus précaires ».
Une étude internationale inédite sur la santé mentale en confinement
Afin d’avoir une vision plus précise de ce qui se joue pendant cette crise en matière de santé mentale, une enquête internationale, impliquant des acteurs de 70 pays, vient d’être lancée. Baptisée « COHFIT » (pour Collaborative Outcomes study on Health and Functioning diring Infection Times), cette étude repose un questionnaire en ligne, traduit dans 25 langues.
Cette collaboration inédite, montée en très peu de temps, vise à répondre à un souci commun des professionnels de la santé mentale. « Avec le Covid, l’offre de soins s’est réduite, alors même que les risques pour la santé mentale sont accrus pour l’ensemble de la population et pour tous les patients qui souffrent de troubles mentaux, menacés par une décompensation, explique le Pr Philip Gorwood, chef de service au GHU Paris psychiatrie et neurosciences (Hôpital Sainte-Anne) et l’un des trois coordonnateurs français de l’étude. Il nous fallait un instrument pour mesurer l’évolution, mais aussi définir des stratégies de prévention, d’accompagnement, des recommandations pour faire face à un confinement et à ses conséquences en cascade ».
L’ambition est d’atteindre un minimum de 100 000 questionnaires remplis. L’opération sera répétée à 3 mois et à 6 mois après la fin du confinement. Après l’accord de la CNIL pour le volet français, les enfants à partir de 6 ans seront inclus dans l’étude. « Pour des raisons éthiques, c’est assez rare », souligne le Pr Philip Gorwood.
« L’objectif est double : avoir une connaissance au temps t de la santé de la population générale et cibler des populations particulières », poursuit-il. Par sa dimension internationale, cette étude permettra des comparaisons internationales. Les résultats seront mis en perspective avec les effets locaux, comme les durées de confinement, les courbes de contamination et de décès. « Ces effets pourront être confrontés à la notion de morbidité psychiatrique que l’on va mesurer dans une population donnée », indique le Pr Gorwood.
Un panel dédié à la population soignante
Pour éviter les biais de recrutement (seuls les plus anxieux ou les plus résilients pourraient répondre au questionnaire) dans l’interprétation, cette dernière se « focalisera, non pas sur la mesure de la prévalence, mais sur des approches analytiques comparatives de sous-groupes, précise le psychiatre. La démarche reste pertinente dans la mesure où des critères comparables peuvent être dégagés d’une population à une autre : une distinction selon la contamination ou non par le Covid-19 de soi-même ou d’un proche pourra par exemple être étudiée ».
Dans cette logique d’étude de sous-groupes, tout un panel sera dédié à la population soignante, en première ligne dans la crise. L’impact de la crise sur leur santé mentale a fait l’objet d’une première étude en France. Confrontés à un risque augmenté d’anxiété, de dépression, d’épuisement, d’addiction et de trouble de stress post-traumatique, les soignants sont également susceptibles de souffrir de facteurs de risque supplémentaires, liés à des facteurs organisationnels tels que le déficit d’équipement de protection individuelle, la réaffectation de postes, le manque de communication, le manque de matériels de soins ou encore le bouleversement de la vie quotidienne familiale et sociale.
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