La Vie éco : Quel est l’état des lieux aujourd’hui des maladies rares au Maroc, ?
Au Maroc comme ailleurs, elles sont extrêmement diverses neuromusculaires, métaboliques, infectieuses, immunes, cancéreuses … Trois maladies sur quatre se déclenchent dans l’enfance. Elles empêchent ainsi de voir (rétinites), respirer (mucoviscidose), résister aux infections (déficits immunitaires), coaguler normalement le sang (hémophilie), grandir et développer une puberté normale (syndrome de Turner : absence ou anomalie chez une fille d’un des 2 chromosomes sexuels féminin X)…
D’autres provoquent un vieillissement accéléré (progéria, 100 cas dans le monde) ; des fractures à répétition (maladie des os de verre) ; une transformation des muscles en os (maladie de l’homme de pierre, 2 500 cas dans le monde) ; une anémie par anomalie de globules rouges (bêta-thalassémie) ; une sclérose cérébrale et une paralysie progressive de toutes les fonctions (leucodystrophie) … ou encore des mouvements incontrôlables et un affaiblissement intellectuel allant jusqu’à la démence (maladie de Huntington). Certaines pathologies sont auto-immunes, c’est-à-dire que le système immunitaire censé nous protéger des agressions extérieures (des bactéries, des virus…) se retourne contre l’organisme dans un processus auto-destructif. On citera ainsi la myasthénie, caractérisée par une faiblesse musculaire perturbant les mouvements, les vascularites qui s’attaquent aux parois des vaisseaux sanguins… ou encore le lupus, susceptible de s’attaquer à presque tous les organes.
Au-delà de la typologie, peut-on savoir combien y a-t-il de personnes atteintes ?
Il n’y a aucune statistique vraiment exhaustive et précise concernant les maladies rares au Maroc: elles toucheraient au moins 1,5 million de personnes mais il est possible que ce nombre soit encore plus élevé à cause des mariages consanguins (entre cousins) encore fréquents qui aggravent la possibilité de transmettre aux enfants ces pathologies qui à 80% sont d’origine génétiques.
Qu’en est-il de la prise en charge ?
Aujourd’hui, il faut souligner que l’information est encore fragmentaire pour les patients comme pour les médecins. Les maladies rares représentent pour le patient et sa famille un véritable parcours du combattant au Maroc fait de nombreuses consultations chez plusieurs médecins. Il faut 2 à 10 ans pour qu’un diagnostic soit établi et les traitements administrés. Cette errance diagnostique est due à l’absence d’un dossier médical unique et d’un médecin référent qui centralise les informations et coordonne les soins comme cela se fait en Europe. Bien que des efforts aient été accomplis ces dernières années dans les CHU au Maroc, le manque d’informations sur ces maladies est par ailleurs toujours patent aussi bien pour les professionnels que pour les autorités.
Et pour ce qui est des protocoles de soins ?
Des solutions thérapeutiques existent maintenant. La recherche fondamentale publique a beaucoup avancé ces trente dernières années dans la connaissance des mécanismes à l’origine de nombreuses maladies rares. L’industrie pharmaceutique a pris le relais et pu être, elle aussi, source d’innovation avec la mise sur le marché de nouveaux médicaments. En 1983, il n’existait que 40 médicaments pour soigner les patients concernés dans le monde. Actuellement, les médecins ont le choix entre environ 500 traitements différents. Il n’en demeure pas moins que seulement 5 % des maladies rares bénéficient d’un traitement approuvé.
Des tests de diagnostic, notamment en matière génétique et biologique, ainsi que de nouveaux traitements complexes et indispensables existent au Maroc. Ces moyens sont toutefois limités et difficiles à obtenir car parfois coûteux (médicaments «orphelins», greffe de moelle osseuse…) et pas toujours bien connus. …
Quel est l’objectif de l’Alliance des maladies rares au Maroc ?
L’AMRM est une toute jeune association créée officiellement en février 2017 qui ne cesse d’appeler à la reconnaissance des maladies rares comme une priorité de santé publique au Maroc, s’inscrivant, à l’exemple des pays européens, dans un plan national pour les maladies rares, formulant les objectifs et les mesures à prendre, notamment le développement de centres de référence nationaux pour l’expertise et de centres de compétence régionaux pour les soins en nombre suffisant pour assurer la couverture globale du territoire, une meilleure accessibilité à certains médicaments indispensables, une formation accentuée des professionnels de santé à « l’univers des maladies rares » et enfin l’extension du dépistage néonatal de certaines de ces maladies qui permettrait une prise en charge immédiate.
Le ministère de la santé n’a pas de politique en la matière, qu’en pensez-vous ?
Le ministère de la santé a commencé depuis 2012 à mettre en œuvre quelques mesures concernant les maladies rares : il a ainsi établi un plan national de contrôle de l’hémophilie et des autres troubles de coagulation ainsi qu’un un plan de prévention et de contrôle de la thalassémie et des autres hémoglobinopathies en collaboration avec les différents intervenants dans ces domaines, notamment la société savante, la société civile, les gestionnaires et les professionnels de santé. Ces premiers plans sont néanmoins encore largement insuffisants pour répondre à l’urgence des problèmes.
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