.:cour nephrologie "INSUFFISANCE RENALE AIGUE IRA":.
L’insuffisance rénale aiguë (IRA) est définie par la baisse brutale et importante de la filtration glomérulaire.
Elle est habituellement réversible après traitement.
La diurèse peut être conservée au cours de l’IRA.
L’oligoanurie est définie par une diurèse inférieure à 500 ml/24 heures ou 20 ml/heure.
Les formules d’estimation du débit de filtration glomérulaire ne sont pas applicables pour définir l’IRA, ni même sa sévérité. Seule, la valeur de la créatinine plasmatique est utilisable. Plusieurs définitions ont été proposées, une des plus simples est la suivante :
élévation d’au moins 44,2 µmol/l (5 mg/l) si la créatinine plasmatique (Scr) antérieure était inférieure à 221 µmol/L ;
élévation d’au moins 20 % si la créatinine plasmatique antérieure était supérieure à 221 µmol/L.
Afin de rendre homogène la définition et les différents stades des IRA, une classification baptisée « RIFLE » a été proposée, elle est de plus en plus utilisée. Les trois premiers stades R, I et F donnent la sévérité et les deux derniers, L et E, le pronostic :
R pour « Risk » ;
I pour « Injury » ;
F pour « Failure » ;
L pour « Loss of function » ;
E pour « End-stage renal disease ».
Ces différents stades sont corrélés au pronostic vital de l’IRA en réanimation.
II. PHYSIOPATHOLOGIE ET PRINCIPAUX TYPES D’IRA
A. Les déterminants de la filtration glomérulaire
Le débit de filtration glomérulaire (DFG) dépend de plusieurs paramètres physiques. Il est modélisé par la formule :
[*[(DFG = PUF x Kf
Où : PUF = Gradient de pression transcapillaire glomérulaire (pression d’ultrafiltration),
Kf = coefficient de filtration.
PUF dépend :
de la différence de pression hydrostatique entre le capillaire glomérulaire (Pcg, voisine de 45 mm Hg) et la chambre urinaire du glomérule (Pu, voisine de 10 mm Hg) ;
et de la différence de pression oncotique entre le capillaire glomérulaire (∏cg, d’environ 25 mm Hg) et la chambre urinaire (∏u qui est nulle à l’état normal).
d’où PUF = (Pcg – Pu) – (∏cg – ∏u)
)]*]
Le débit sanguin rénal n’apparaît pas directement dans l’équation du DFG, mais la pression hydrostatique du capillaire glomérulaire dépend du flux sanguin et de la différence de résistances entre les artérioles afférentes (RAF) et efférentes (REF) (figure 1).
Figure 1. Composantes de l’hémodynamique glomérulaire
B. Les mécanismes de l’insuffisance rénale
Ainsi la filtration glomérulaire baisse ou s’annule quand :
le débit sanguin rénal diminue (hypovolémie, état de choc) ;
les REF diminuent (vasodilatation de l’artériole efférente glomérulaire) ;
les RAF augmentent (vasoconstriction pré-glomérulaire) ;
ou encore si la Pu augmente (obstacle intratubulaire ou sur la voie excrétrice).
Kf est un coefficient de filtration qui intègre la perméabilité du capillaire glomérulaire et la surface de filtration. On ne connaît pas de baisse primitive de la perméabilité comme cause d’IRA.
C. Principaux types d’IRA
[bleu marine]1. L’IRA obstructive, ou post-rénale[/bleu marine]
Elle est due à un obstacle sur la voie excrétrice ou à une obstruction intratubulaire rénale.
La Pu augmente et annule la pression de filtration quand elle est égale à la pression du capillaire glomérulaire.
En cas d’obstacle sur la voie excrétrice, l’IRA n’apparaît que si l’obstacle est bilatéral ou sur un rein unique.
L’obstacle peut être incomplet, et n’est donc pas toujours associé à une anurie. Une polyurie hypotonique peut même être observée, par diabète insipide néphrogénique.
En effet, l’hyperpression dans les voies urinaires :
bloque la filtration glomérulaire ;
entraîne une redistribution du flux sanguin rénal ;
et empêche la constitution du gradient osmotique cortico-médullaire nécessaire à l’effet de l’ADH.
[bleu marine]2. L’IRA fonctionnelle, ou pré-rénale[/bleu marine]
Elle est liée à une diminution du flux sanguin rénal et de la pression de perfusion.
Le parenchyme rénal est intact, la baisse de la filtration glomérulaire est une conséquence de l’hypoperfusion rénale.
L’hypoperfusion rénale stimule :
la synthèse et la sécrétion de rénine par l’appareil juxtaglomérulaire, et donc la formation d’angiotensine II et la sécrétion d’aldostérone ;
le système sympathique périphérique ;
et la sécrétion d’ADH.
Les conséquences rénales sont :
dans les glomérules : vasoconstriction post-glomérulaire de l’artériole efférente visant à maintenir la pression de filtration malgré la chute du débit sanguin rénal. Au-delà d’une certaine limite cependant, l’adaptation n’est plus possible et la pression de filtration chute. L’insuffisance rénale fonctionnelle apparaît alors ;
dans les tubules :
•réabsorption tubulaire proximale, liée à la baisse de pression hydrostatique dans les capillaires péritubulaires,
•réabsorption distale accrue de sodium sous l’effet de l’aldostérone,
• réabsorption d’eau sous l’effet de l’ADH.
L’urine excrétée est donc peu abondante (= oligurie), pauvre en sodium, riche en potassium, acide, et très concentrée en osmoles (particulièrement en urée). La réabsorption d’eau par le tubule collecteur s’accompagne d’une réabsorption passive d’urée, expliquant l’augmentation plus importante de l’urée plasmatique que de la créatinine au cours des IRA fonctionnelles.
Une forme particulière d’IRA fonctionnelle est celle liée à l’absence de vasoconstriction de l’artériole efférente sous l’effet des bloqueurs du système rénine angiotensine (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, antagonistes du récepteur de l’angiotensine II ou inhibiteur direct de la rénine). Dans ce cas, la Ref n’augmente pas et la baisse de la pression de filtration est suivie d’une chute de la filtration glomérulaire. Cela est surtout observé en cas de sténose de l’artère rénale ou de lésions athéromateuses sur les artérioles préglomérulaires (néphroangiosclérose), chez des sujets déshydratés. La prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, qui empêchent la synthèse de prostaglandines vasodilatant l’artériole afférente, peut jouer un rôle aggravant.
[bleu marine]3. Les IRA parenchymateuses[/bleu marine]
Elles sont dues à des lésions anatomiques des différentes structures du rein : les plus fréquentes sont les nécroses tubulaires aiguës (NTA), mais l’IRA peut aussi compliquer les néphropathies interstitielles, glomérulaires ou vasculaires aiguës.
Au cours des NTA, deux mécanismes sont le plus souvent en cause et souvent associés : l’un ischémique, l’autre toxique.
Cas des NTA ischémiques
La baisse du flux sanguin rénal au cours des états de choc est à l’origine d’une ischémie rénale, en particulier dans la zone externe de la médullaire externe, à l’endroit où la PaO2 est spontanément basse (environ 40 mm Hg) et où les besoins énergétiques sont importants pour permettre les transports tubulaires.
L’ischémie aboutit à des modifications du métabolisme intracellulaire des cellules épithéliales tubulaires :
activation de phospholipases et de protéases ;
production de radicaux libres dérivés de l’oxygène ;
activation des gènes impliqués dans l’apoptose.
La nécrose des cellules épithéliales tubulaires est la principale lésion anatomique (vaisseaux, glomérules et interstitium restent normaux).
Paradoxalement, le flux sanguin rénal est constamment et durablement diminué au cours des NTA constituées, et la filtration glomérulaire est effondrée, à moins de 10 % de la valeur normale.
Ces modifications hémodynamiques, sans traduction anatomique, témoignent d’une vasoconstriction intrarénale pré et post-glomérulaire majeure et d’une augmentation de la pression intratubulaire. La vasoconstriction est médiée par plusieurs agents :
l’angiotensine II ;
l’endothéline 1 ;
les catécholamines ;
le thromboxane A2 ;
et un déficit en substances vasodilatatrices tels que la PGE2, et le NO.
L’excès de Na+ au niveau de la macula densa, lié au défaut de réabsorption tubulaire du Na+ par le tubule ischémique, pourrait activer le « feed-back » tubulo-glomérulaire, et expliquer la vasoconstriction préglomérulaire tant que dure la nécrose tubulaire aiguë.
Figure 2. Mécanismes des nécroses tubulaires ischémiques
L’augmentation de la pression intra-tubulaire, qui tend également à diminuer la filtration glomérulaire, résulte de l’accumulation intra-tubulaire de débris cellulaires nécrosés et de cellules intactes desquamées de la membrane basale tubulaire.
L’anurie, qui accompagne les formes les plus sévères de NTA, est due à la baisse importante de la filtration glomérulaire, elle-même liée à la baisse de la pression dans le capillaire glomérulaire et à l’augmentation de la pression intra-tubulaire (PIT). Elle est aussi en partie expliquée par la rétro-diffusion de l’urine à travers l’épithélium lésé.
Les autres IRA parenchymateuses
L’IRA des autres formes d’atteintes rénales obéit à des mécanismes différents :
au cours des glomérulonéphrites ou des microangiopathies thombotiques, la baisse du Kf semble jouer un rôle prédominant, essentiellement par baisse de la surface de filtration ;
au cours des néphrites interstitielles aiguës, l’œdème interstitiel augmente la pression intrarénale diminuant ainsi le flux sanguin et la pression de filtration glomérulaire ;
au cours de certaines néphropathies tubulaires c’est l’obstruction liée à la précipitation intratubulaire de myoglobine (rhabdomyolyse), d’hémoglobine (hémolyses massives), ou de chaînes légères d’immunoglobulines (myélomes) qui est à l’origine de l’IRA.
Les IRA fonctionnelles et les IRA organiques sont de loin les plus fréquentes. À titre d’exemple la répartition des différents types d’IRA dans un service de réanimation est indiquée dans la figure 3.
III. DIAGNOSTIC POSITIF DE L’IRA
Il repose sur un interrogatoire, un examen clinique complet, un bilan biologique sanguin et urinaire et certains examens morphologiques, selon le contexte étiologique.
A. Le caractère aigu de l’insuffisance rénale
L’insuffisance rénale est affirmée devant une augmentation rapide de l’urée plasmatique et de la créatininémie en quelques jours ou semaines.
Elle est aiguë :
si la fonction rénale était normale auparavant ;
si les reins sont de taille normale ou augmentée ;
l’absence d’anémie et d’hypocalcémie est aussi en faveur du caractère aigu récent, mais leur présence n’élimine pas le diagnostic d’IRA.
B. Diagnostic différentiel entre IRA et insuffisance rénale chronique
Schématiquement, de nombreux points opposent ces 2 entités (tableau 1) mais il est parfois difficile de trancher, lorsque la fonction rénale antérieure n’est pas connue notamment.
Tableau 1 : Principaux signes distinctifs entre insuffisance rénale aiguë
et insuffisance rénale chronique
Anémie | Habituellement absente | Souvent présente |
Hypocalcémie | Absente | Présente |
Atrophie rénale bilatérale | Le plus souvent absente | Souvent présente |
Péricardite | Absente | Possible |
L’IRA peut être associée à une anémie, en cas d’hémolyse aiguë ou de choc hémorragique eux-mêmes à l’origine de l’IRA.
Une hypocalcémie précoce et parfois profonde peut être présente au cours des IRA secondaires à une rhabdomyolyse.
En revanche, des reins de taille normale ou augmentée peuvent se voir dans certaines formes d’IRC (diabète, myélome et amylose, polykystose). Seule l’atrophie rénale bilatérale permet d’affirmer le caractère chronique de l’IRC.
C. Diagnostic différentiel entre anurie et rétention aiguë d’urine
En cas d’anurie, la formation d’urine par les reins est arrêtée alors que lors d’une rétention aiguë d’urine, l’arrêt de la diurèse est lié à un défaut de vidange vésicale.
La recherche d’un globe vésical doit être systématique chez tout malade oligoanurique +++.
IV. LES INSUFFISANCES RÉNALES AIGUËS OBSTRUCTIVES
[bleu marine]1. Présentation clinique
[/bleu marine]
L’IRA obstructive doit être évoquée devant :
des antécédents de lithiase de l’appareil urinaire ;
de cancers digestif ou utérin ;
de tumeur prostatique ou vésicale.
Le début peut être marqué par une douleur lombaire uni ou bilatérale ou une hématurie macroscopique avec caillots.
Il faut rechercher
un globe vésical ;
un blindage pelvien au toucher vaginal ou au toucher rectal.
Les IRA obstructives sont affirmées sur la mise en évidence d’une dilatation des cavités pyelocalicielles à l’échographie rénale. La taille des reins est normale. La dilatation est bilatérale, ou unilatérale sur un rein fonctionnellement ou anatomiquement unique. Une simple hypotonie des cavités pyélocalicielles, ou l’absence de dilatation des cavités ne permet pas d’exclure une origine obstructive à l’IRA, notamment quand l’obstacle s’est installé brutalement et que le malade est oligo-anurique.
L’ASP permet de repérer un ou plusieurs calculs radio-opaques
La tomodensitométrie rénale est utile :
pour le diagnostic des IRA obstructives devant une suspicion d’infiltration rétropéritonéale tumorale ou fibreuse ;
mais risque d’aggraver l’IRA à cause de la toxicité des produits de contraste iodés.
Si nécessaire, une uro-IRM après injection de gadolinium peut permettre de visualiser les voies excrétrices.
L’UIV n’est plus pratiquée aujourd’hui (risque de toxicité lié aux produits de contraste iodés).
[([*
En pratique devant toute IRA, une échographie de l’appareil urinaire doit être réalisée à la recherche d’une dilatation des cavités pyélocalicielles et d’un obstacle sur les voies urinaires
*])]
[bleu marine]2. Causes des IRA obstructives[/bleu marine]
Les principales causes d’IRA obstructives sont listées dans le tableau 2.
Tableau 2 : Principales causes d’IRA obstructives
Calcul unilatéral sur rein fonctionnel unique ou lithiases bilatérales |
Pathologie tumorale |
Adénome de prostate |
Cancer de la prostate |
Cancer du col utérin |
Tumeur de vessie |
Cancer du rectum, de l’ovaire, de l’utérus |
Métastases rétropéritonéales (rare) |
Pathologie inflammatoire : fibrose ou liposclérose rétropéritonéale |
Chez le sujet âgé, les causes tumorales (compression urétérale par envahissement métastatique rétropéritonéal) sont fréquentes et de mauvais pronostic.
[bleu marine]3. Traitement des IRA obstructives[/bleu marine]
Le traitement initial repose sur la dérivation des urines en urgence. L’urgence est majorée s’il existe une infection associée.
Si l’obstacle est bas situé (vessie, urètre, prostate), la dérivation est réalisée par sondage vésical ou pose d’un cathéter sus-pubien.
Si l’obstacle est plus haut situé, deux techniques de dérivation sont disponibles : la mise en place d’une sonde urétérale (extériorisée transvésicale, ou non extériorisée type sonde en double J), et la néphrostomie percutanée (réalisée sous anesthésie locale après repérage échographique des cavités dilatées).
Après dérivation des urines, on assiste le plus souvent à la reprise d’une diurèse abondante (polyurie de la levée d’obstacle), nécessitant des apports hydrosodés abondants. Le risque est la déshydratation qui retarderait la guérison de l’IRA. Une surveillance clinique et biologique quotidienne ou biquotidienne est indispensable. La fonction rénale redevient normale en quelques jours.
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